A la suite des evenements dits "de Maspero", dimanche dernier, l'agitation politique et sociale en Egypte ne faiblit pas, semblant marquer une nouvelle etape dans la "Revolution du Nil", qui a jusqu'a maintenant permis le depart de Moubarak et certains hommes-clefs du regime, mais qui n'a pas fondamentalement change les structures politiques ou sociales du pays.
Ce qu'il est desormais convenu d'appeler "le massacre de Maspero", dont le nombre exact de victimes n'est toujours pas determine*, aura permisde mettre en lumiere plusieurs lacunes du regime egyptien actuel.
D'abord et avant tout, le role de l'armee, qui dirige le pays depuis le depart de Moubarak. Si elle beneficiait au depart d'une grande popularite, des critiques de sa gestion du pays ont commence a se faire entendre depuis un moment, notamment suite a la decision de renforcer l'etat d'urgence apres "l'attaque" de l'ambassade d'Israel le 09 septembre dernier. Mais les evenements de dimanche dernier ou, est-il besoin de le rappeler, l'armee a purement et simplement assassine des manifestants civils, aura demontre a la fois son role repressif, et les mensonges dans lesquels elle s'enfonce pour rester au pouvoir. En effet, apres avoir reduit au silence de force la plupart des chaines d'information, elle a dans un premier temps diffuse la version selon laquelle les militaires n'auraient fait que repondre a des attaques venues de manifestants coptes armes. Quelques jours apres les evenements, et alors qu'il n'etait plus possible de nier la realite de ce qu'il s'etait passe, elle affirmait sans gene que "jamais" des militaires n'avaient tire sur des civils, et que "des personnes inconnues" avaient pris le controle des chars pour foncer sur les manifestant-es...
Pour se justifier de ses actes, le regime militaire va donc jusqu'a inventer des mensonges qui le decredibilisent encore plus!!
Le role de la television d'Etat est lui aussi remis en cause apres sa couverture des evenements. Au moment meme des affrontememnts, elle diffusait en effet des images de la corniche du Caire, de jour, parfaitement calme, pour nier la realite de ce qu'il etait en train de se passer. Ensuite, elle n'a fait que diffuser les mensonges repandus par le regime, montrant tout d'abord des images de soldats egyptiens gravement blesses par des "manifestants coptes armes", puis expliquant que des affrontements avaient eu lieu entre coptes et musulmans, et non entre armee et manifestants, puis finalement que ce sont les coptes qui avaient attaque l'armee en premier.
Exactement les memes ressorts et manipulations utilise-es pendant la revolution de janvier; un "message a la television egyptienne" circule d'ailleurs sur internet, en reponse a ca.
Enfin, les evenements de dimanche dernier auront surtout permis de mettre en exergue la situation des Coptes en Egypte, et les discriminations qu'illes continuent de subir, aussi bien de la part des autorites, que de certaines franges de la population musulmane. Ainsi, depuis une semaine, semble se forger une opposition assez forte entre, d'un cote, le regime militaire et les salafistes, qui entretiennent les tensions pour tenter de s'imposer sur la scene politique, et, de l'autre, les Coptes, et une bonne partie des musulman-es solidaires, qui protestent contre un processus de confiscation de la Revolution.
Un element significatif de cette opposition aura ete l'ensemble des manifestations qui ont suivi le massacre de Maspero, dans lesquelles chretien-nes et musulman-es partageaient une meme tristesse et une meme colere. Notamment, vendredi dernier, jour desormais traditionnel de manifestation dans le monde arabe, une marche est d'abord partie de la mosquee Al-Azhar (principal centre religieux du monde sunnite), pour ensuite rejoindre la cathedrale de Abasseya, ou chretien-nes et musulman-es ont prie en hommage aux "martyres" de dimanche dernier, et finalement se diriger vers le centre-ville et Maspero, descendant la rue Ramses. Les quelques milliers de personnes presentes (jusqu'a 7000 en arrivant a Maspero) scandaient des slogans revendiquant l'unite du peuple face au regime militaire dictatorial: "Chretien-nes, musulman-es, une seule main", "A bas le regime militaire", "Mina Daniel est mort en martyre, et Tantaoui est le responsable", "Marechal, fais gaffe, car on descend a Tahrir"...
Depuis une semaine, les manifestations, marches, rassemblements, sont d'ailleurs quotidien-nes, chose jamais vue en Egypte, ou les arteres principales du Caire sont regulierement bloquees par des foules de manifestant-es, de maniere spontanee, et avec une tres symbolique presence policiere, principalement pour reguler la circulation...
Il faut croire que le pouvoir en place essaye de se faire discret, alors que la strategie qui visait a provoquer des tensions inter-confessionnelles, avec le soutien des salafistes, pour apparaitre comme le garant du maintien de l'ordre, est en train de se retourner contre lui.
Les semaines qui viennent vont donc etre cruciales dans l'oppoistion grandissante entre, d'un cote, une societe civile desireuse de changement, et de l'autre, l'alliance entre partisans de l'ancien regime souhaitant garder leur pouvoir, et nouvelles forces politiques desireuses d'en acquerir...
* hier encore, 6 corps ont ete repeches, qui auraient ete balances dans le Nil par des militaires, selon des temoins de la scene. Hasard ou coincidence, aujourd'hui, c'est le 17 octobre...
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