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Cultures et societes en Egypte et dans le monde arabe - Arab and Egyptian cultures and societies


Ca veut dire quoi, underground?

Publié par nicoducaire sur 29 Mars 2015, 01:02am

Catégories : #Egypte, #Hip-hop, #Musique

Ca veut dire quoi, underground?

Evénement relativement exceptionnel dans la scène musicale égyptienne : les 26 et 27 mars 2015, trois concerts de hip-hop étaient organisés dans le même week-end. Dans des lieux très différents, avec des artistes au style bien particulier et le public qui leur est propre, chaque performance se vivait pourtant comme une déclinaison de la question récurrente : « qu’est-ce que ça veut dire, underground ? »

 

Un premier concert réunissait, dans l’enceinte de l’Université Américaine du Caire, une partie de l’équipe « Arab League »: Sadat et Fifty, deux stars du mouvement électro-chaabi, MC Amin, le nouveau pape de l’underground cairote, trait d’union entre hip-hop et électro-chaabi, et Klash, l'un des plus célèbres rappeurs saoudiens.

Noir et or comme le bonnet Starwars de MC Amin, ou à paillettes comme la casquette Batman de Sadat, ce soir-là, l’underground s’était paré de ses attirails les plus swag pour offrir une performance « attention les yeux » ! Des chorégraphies de break-dance sur scène et dans le public, des visuels disco projetés en fond de scène, une salle de concert aux allures de fac occupée… Un véritable spectacle hip-hop comme on en voit rarement !

Du côté du public, pas beaucoup de monde, probablement en raison du coût d’entrée un peu excessif, mais du look bling-bling qui s’affiche, des milieux sociaux qui se mélangent, on danse et on chante à n’en plus pouvoir ! Côté scène, on a assisté à une performance incroyable de Sadat en chauffeur de salle, qui chante, danse, prend des selfies avec le public, assurant une première partie mémorable, accompagné de son acolyte Fifty.

En transe, le public l’est donc déjà quand arrive sur scène… Arfeen min ? MC Amin ! (vous savez qui ? MC Amin, slogan repris en cœur par les dizaines de fans toute la soirée) En mode ego-trip gangsta-rap, chaîne autour du cou et chemise militaire, c’est lui la véritable star de la soirée. Il enchaîne les tubes, anciens ou récents (Rap Masry, Gamed fash7, Eshrab 3alashan tensa, « bois pour oublier »), interagit avec le public, fait tourner un clip en même temps qu’il chante, et assure toutes les transitions…

Révélation de la soirée pour moi, Klash, sorte de mini-Boikutt bondissant et bourré de talent, au flow incroyable et d’une gentillesse extrême, assure également le spectacle, communicant en permanence avec le public, répondant à ses demandes en jouant des chansons non prévues, puis se joignant à lui après avoir fini son set pour assister à la fin du show…

Grosse ambiance donc, mais toujours bon enfant, à laquelle DJ Fat Sam n’était pas étranger non plus, lui qui a assuré la bande son toute la soirée !

 

Rendez-vous était également pris le lendemain, au Centre Culturel des Jésuites à Alexandrie, pour la sortie de l’album 16 Bar Vol.2.

Objectif du projet, porté par le groupe de raptivistes local Revolution Records : mettre en avant la nouvelle génération de rappeurs et de rappeuses locale. Au programme, les 10 jeunes talents présents sur la mixtape, le groupe Revolution Records lui-même, et Y-Crew, groupe mythique du rap égyptien - comme ils le disent eux-mêmes : « google Y-Crew et tu verras qui a ouvert la voie ». Et là aussi, une ambiance enflammée !

Une salle comble (l’entrée était gratuite), un public déchaîné, des rappeurs survoltés, pour un concert comme je n’en avais pas vécu depuis longtemps ! Ici, on est moins bling-bling, plus modestes dans les looks mais tout aussi doués ! Pas de vêtements reluisants, mais un DJ qui arbore un T-Shirt « This is the sound of the Underground », une performance moins sophistiquée mais tout aussi puissante, une énergie et un enthousiasme sans pareil ! Omar Boflot, leader du Y-Crew, se pose en référence incontestée, tandis que son acolyte s’occupe de chauffer la salle, et nous régale de son flow impeccable. Ici, la portée sociale et politique du projet est fièrement revendiquée, jusqu’au dernier instant où, avant de quitter la salle, les rappeurs nous demandent de « respecter le voisinage et d’éviter les troubles pouvant ramener la police »…

 

N’ayant pas encore développé le don d’ubiquité, je n’ai malheureusement pas pu assister à la troisième soirée, qui introduisait Abyusif, jeune rappeur égyptien bourré de talent et en pleine ascension, dans le cadre du festival D-CAF, qui met en avant les artistes prometteurs de la scène underground.

Des paroles teintées d’humour, une musique plus pointue, un flow irréprochable garantissaient cependant à tous les coups une performance mémorable.

 

Trois concerts donc, trois ambiances, trois visions de ce qu’est l’underground : l’une qui met en avant la soif de réussir en tant qu’artistes quand on vient de milieux populaires, sous l’influence des figures et des codes du rap ricain ; une autre qui insiste sur la dimension sociale du hip-hop, perçu comme un levier pour faire changer la société ; la dernière offrant une vision plus esthétique, plus intellectuelle, d’un art en voie d’institutionnalisation. Mais toutes s’appuient sur des éléments communs : l’auto-production; la volonté affichée de transmettre et de partager « l’esprit hip-hop » avec les nouvelles générations ; les interactions public/artistes qui cassent les statuts d’icônes inaccessibles ; et surtout, chacun de ces événements constituait un moment hors-du-commun, où la rage, la joie, et l’énergie déployées tant par les artistes que le public témoignent d’une véritable communion autour d’une musique, d’un style, d’une attitude, de valeurs ...

Vous comprenez maintenant ?

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