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nicoducaire

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Cultures et societes en Egypte et dans le monde arabe - Arab and Egyptian cultures and societies


Egypte: Apres la revolution...??

Publié par nicoducaire sur 16 Septembre 2011, 13:26pm

Catégories : #Egypte

Je continue mon immersion dans l'Egypte 'post-revolutionnaire' (بعد الثورة comme on dit ici). Une chose est sure: les Egyptien-nes sont tres fier-es d'avoir reussi a chasser Moubarak du pouvoir, ce qui est completement legitime. Rappelons quand meme que pendant les 18 jours qu'a dure la 'Revolution egyptienne', des millions et des millions de personnes sont descendues dans la rue, et des milliers en sont mortes. Un cap a donc ete passe, et l'Egypte en garde la memoire.

Tous les murs, cotamment ceux des ecoles, sont repeints aux couleurs de la revolution, toutes les evocations de Moubarak ont disparu (comme les portraits geants qu'on pouvait voir sur certains batiments de la rue 'Asr El-Ayni), ou ont ete remplacees (la station de metro 'Moubarak' a ete renommee 'El-Shohadaa', 'Les martyres' - Au siege des journaux officiels, le portrait geant du Rais a ete remplace par une evocation des martyres morts pendant et avant la Revolution, avec le marechal Tantaoui, chef du Conseil Supreme des Forces Armees (CSFA) en protecteur de la Revolution... quelle blague!).

Un peu partout, mais surtout aux alentours de la place Tahrir, on peut trouver des T-shirts, casquettes, porte-clefs, badges... a la gloire de la Revolution du 25 janvier.

Dans toutes les discussions, on finit toujours par en arriver a ce fameux "بعد الثورة". Apres la Revolution, les chretien-nes ne se sentent plus en securite et veulent emigrer en masse au Canada. Apres la Revolution, le prix de la nourriture a ete multiplie par 2. Apres la Revolution, El-Ahly, le prestigieux club de foot de la capitale, a ete relegue en bas de classement de la coupe d'Afrique...

La Revolution dont les Egyptien-nes sont pourtant si fier-es devient le pretexte a a peu pres tout et n'importe quoi...

 

Il faut dire que cette logique est savamment entretenue par le pouvoir (militaire) en place. Il se presente a la fois comme le defenseur de la Revolution (c'est lui qui a permis le depart de Moubarak, tout en laissant les manifestations se derouler), et comme garant de la 'stabilite', tant interne que regionale. 'Stabilite' est devenu le nouveau mot-clef du regime, sense legitimer toute son action.

Car il faut dire que, si la Revolution du 25 janvier a effectivement entraine le depart du dictateur et a ouvert de nombreux espoirs de changement, sur les plans politiques, sociaux et culturels, il devient de plus en plus clair au fil des mois que l'oligarchie militaire (et economique) au pouvoir en Egypte depuis les annees 1950, n'entend pas le lacher de sitot.

Plus le temps passe, et plus le 'retour a la normale' prend explicitement la forme d'une 'contre-revolution'. Celles et ceux qui s'opposent au CSFA passent en tribunal militaire et sont envoye-es directement en prison, comme aux plus belles heures du regime de Moubarak. La police est revenue en force, certes progressivement, mais desormais, tous les corps de police (militaire, touristique, politique, routiere, anti-emeutes...) sont presents dans les rues du Caire. En fait, si quelques tetes parmi les plus visibles sont tombees, la structure meme du regime egyptien est restee a peu pres la meme...

Et pour ceux et celles qui veulent continuer la lutte, la pression, tant politique que mediatique, se fait de plus en plus forte. Au nom de la sacro-sainte 'stabilite', on empeche tout potentiel 'debordement' (sauf quand ca arrange le pouvoir), l'armee a clairement fait savoir qu'elle n'autoriserait pas une nouvelle occupation jour et nuit de la place Tahrir, mais elle accepte que s'y deroulent des manifestations 'pacifiques' ...

Dans cette strategie contre-revolutionnaire, l'oligarchie au pouvoir est d'ailleurs efficacement secondee par l'autre force politique d'importance en Egypte: les Freres musulmans. Depuis 60 ans qu'ils attendent la sortie de leur statut d'opposants semi-clandestins, ils se sont empresses de se couler dans le moule d'un parti de gouvernement, allant jusqu'a condamner l'attaque, la semaine derniere par des manifestant-es, de l'ambassade d'Israel!!

Cette attaque, qui selon les medias officiels constitue l'evenement le plus 'violent' en Egypte depuis la Revolution*, a d'ailleurs ete judicieusement utilisee par le pouvoir pour resserrer un peu plus le filet securitaire, en renforcant encore l'Etat d'urgence, en vigueur depuis 30 ans, quelques semaines apres avoir annonce des mesures visant a sa levee...

 

Pour autant, il serait faux de dire que les Egyptien-nes sont rentre-es docilement chez elles/eux et se soumettent au pouvoir en place. Greves, rassemblements et protestations continuent a avoir lieu de maniere quasi-quotidienne, tout comme la place Tahrir redevient un centre de rassemblement le vendredi, pour reclamer que les revendications de la Revolution aboutissent, et que l'armee lache le pouvoir. Une manifestation etait d'ailleurs prevue aujourd'hui, notamment pour protester contre l'Etat d'urgance. N'etant pas au Caire, je ne pourrai aller voir par moi-meme, mais je vous tiens au courant...

 

Si la chute de Moubarak a constitue une premiere etape, cruciale, esperons que le mouvement de revolte populaire en Egypte ne s'arretera pas la. Comme le disait Mohammed Maree, blogueur et militant de Mahallah rencontre en janvier, dans les quelques jours entre le depart du president tunisien Ben Ali et le debut de la Revolution en Egypte, citant lui-meme un opposant tunisien: "on peut faire chuter le dictateur, mais la dictature, elle, est toujours presente"...

 

 

* la question de la violence, eminemment politique, subit la encore une instrumentalisation de la part du pouvoir en place (qui a laisse les evenements se derouler pour justifier son tournant repressif par ailleurs). Pour un mur abattu et du materiel degrade, les medias internationaux s'enflamment, mais pour les vexations subies au quotidien par les peuples egyptiens et arabes, on se contente de pieuses declarations d'intention...

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W
The believed of it could be promptly interesting. Mubarak has been one of the fiercest and cunning autocrat of all times and as the history has shown us he was also driven to te inevitability of extermination driving Egypt to anarchy
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